La bataille d'Azincourt : chronique d'un désastre

  La bataille d'Azincourt

Dans les années qui précèdent la bataille d'Azincourt, la situation du royaume de France est critique. Armagnacs et Bourgignons entament une guerre civile. Dans ce climat de dissensions entre princes, Henri V monte sur le trône d'Angleterre en 1413. La situation en France lui permet de regrouper autour de sa personne une aristocratie encore divisée et de s'assurer du soutien de ses sujets qui souhaitent une guerre en France. Dans la nuit du 13 au 14 août, l'armée anglaise débarque en France à Cap-de-Caux, à l'embouchure de la Seine, et s'empare de Harfleur le 14 septembre après un siège difficile. Obligé d'y laisser une garnison fixe de 1198 hommes, le roi Henri V est contraint de rentrer sur Calais avec une armée fatiguée et frappée d'une épidémie de dysenterie.

Le siège d'Harfleur

Le 7 octobre, l'armée quitte Harfleur et longe la côte. Les rapports des éclaireurs semblent indiquer qu'une forte armée française progresserait également dans la région. Cette traversée du royaume de France s'avère périlleuse e raison des conditions météorologiques mais également en raison des diverses opérations françaises destinées à entraver la progression des Anglais.
Tous les ponts sur la Somme sont d'ailleurs détruits sur l'ordre du connétable de France Charles d'Albret, alors à la tête de l'armée française. La stratégie française est de provoquer l'affrontement direct au niveau de la Somme. Finalement, Henri V réussit à franchir le fleuve à Voyennes le 19 octobre 1415, gué non-gardé par les Français. Sur leur trajet, les archers anglais reçoivent l'ordre de se munir de pieux en bois de six pieds de long afin de les disposer devant eux car l'affrontement semble désormais inéluctable. Trois hérauts d'armes français viennent annoncer au roi d'Angleterre que la bataille serait livrée avant Calais sans toutefois préciser l'endroit exact ni le moment. Finalement, le 24 octobre, les deux armées se rencontrent enfin mais Henri V fait en sorte de ne pas livrer le combat avant le lendemain. Dans les deux camps, l'attitude diffère : silence nocturne chez les Anglais, fatigués de la marche et des escarmouches, mais grand faste chez les Français, assurés de la victoire.

Le trajet de l'armée anglaise


La bataille d'Azincourt :

Le 25 octobre, à l'aube, les armées se lèvent et se placent en ordre de bataille. Henri V, après avoir écouté trois messes dans la petite chapelle de Maisoncelles, se met à la tête du corps de bataille principal, constitué de combattants disposés sur quatre rangs. L'aile droite de ce corps est commandée par le duc d'York et l'aile gauche par le sire de Camoys. Mais ce corps de bataille est aussi entrecoupé de contingents d'archers, capables de décocher leurs flèches dans toutes les directions. Néanmoins, la grande majorité des archers est placée sur les flancs de l'armée anglaise, leurs tirs croisés ne devant laisser aucune chance à l'attaque de l'avant-garde française. De plus, un groupe de 200 archers est positionné dans le bois de Tramecourt afin de prévenir d'une éventuelle manœuvre d'encerclement des Français. Enfin, les flancs de l'armée anglaise, composés d'archers, ont pris soin de planter leurs pieux dans le sol afin de rompre la charge de cavalerie française.
Cette force représente plus de 9000 combattants dont environ 7632 archers et 1643 hommes d'armes. Ayant disposé son armée, Henri V attend l'attaque en surveillant les mouvements des Français. De son côté, à un kilomètre de là entre Tramecourt et Azincourt, l'armée française, désireuse de combattre cet ennemi qui lui a échappé à plusieurs reprises, a pris position. La concentration des grands seigneurs, princes et nobles est telle que de nombreuses bannières sont repliées car elles obstruent la vue du corps de bataille principal.
L'armée française est organisée en trois « batailles ». Naturellement, la fine fleur de la chevalerie française veut être présente dans l'avant-garde commandée par le connétable Charles d'Albret et par le maréchal Jehan le Meingre dit « Boucicaut » et composé de 3000 combattants comportant l'élite de la noblesse française. Toutefois, il est précisé que la présence simultanée du duc d'Orléans et le duc de Bourgogne n'est pas souhaitée en raison des rivalités entre ces deux maisons depuis l'assassinat de Louis d'Orléans en 1407. Vexé, le duc de Bourgogne Jean sans Peut n'envoie pas de contingent et interdit à ses vassaux de rejoindre l'ost royal, interdiction qu'ils ne respecteront pas. A 150 mètres en arrière se trouve la bataille principale, forte de 4000 hommes. Les deux premières batailles sont constituées d'hommes d'armes en armures ayant mis pied à terre.
L'arrière-garde, quant à elle, s'élève à 4100 combattants comprenant des membres de la petite noblesse ainsi que des roturiers. Cette arrière-garde s'est vu refuser le droit de combattre avec les gentilshommes qui veulent se réserver la gloire de la victoire.
Enfin, ces trois batailles sont flanquées sur les côtés de contingents de cavalerie lourde d'environ 2400 cavaliers. Cette cavalerie a pour but de briser les rangs des archers et ainsi de faciliter l'attaque des trois batailles constituées d'hommes d'armes en armure à pied.

  Plan du site de la bataille

Avant la bataille, les deux partis entament une négociation. Les revendications des Français sont simples : ils veulent simplement que le roi d'Angleterre renonce à la couronne du royaume de France. Mais aucun accord n'est trouvé. Les deux armées s'apprêtent donc à combattre dans la plaine d'Azincourt qu'une nuit de piétinements et de fortes pluies a transformée en véritable champ de boue. Le face-à-face des deux armées dure quatre longues heures. Le roi d'Angleterre finit par prendre l'initiative. Ce dernier, avec une armée fatiguée et malade, ne peut se permettre de reporter le combat au lendemain. Alors toute l'armée anglaise met genou à terre et embrasse le sol. Celle-ci parcourt 600 mètres pour se rapprocher des Français afin que ceux-ci soient à portée de flèche. Soudainement, les lignes anglaises stoppent leur progression et décochent une volée de traits. Mais, répondant à cette provocation, la cavalerie lourde française s'élance sans même attendre les ordres de ses commandants. Les cavaliers se heurtent tout d'abord à l'impraticabilité du terrain, fraîchement labouré et détrempé. La plupart d'entre eux n'atteignent même pas les lignes anglaises car ils sont criblés de flèches. Leurs montures s'empalent dans les rangées de pieux pointus plantés par les Anglais. Affolés, les chevaux blessés font demi-tour et se jettent dans les lignes suivantes. Les archers anglais, à raison de 10 flèches par minute, décochent tant de traits que le ciel en est assombri. Relégués à la troisième ligne, les hommes de trait ne pevent répondre aux flèches anglaises, sous peine de blesser les combattants de l'avant-garde. L'artillerie française est également inopérante.
L'avant-garde française, dont les premiers rangs sont armés de lances raccourcies pour les rendre plus raides, fait tout d'abord reculer l'armée anglaise. Mais, se ressaisissant, les archers anglais stoppent la progression des Français. En effet, en visant le mézail du bassinet et le camail, ils les forcent à baisser la tête. De plus, l'armée anglaise s'est positionnée entre les bois d'Azincourt et de Tramecourt, autrement dit au fond d'un entonnoir dans lequel se sont précipités les Français. Au contact, ces derniers sont tellement serrés qu'ils ne peuvent se mouvoir. En une demi-heure, l'avant-garde française est taillée en pièces. Pris de panique, les survivants de la première ligne refluent à l'arrière mais ces derniers se heurtent aux combattants de la seconde ligne qui montent à l'assaut. Le choc des deux premières lignes françaises crée une pagaille indescriptible. Les corps des hommes et des chevaux gisants à terre empêchent toute progression, rompant net l'assaut. Voyant que la bataille est presque gagnée, les combattants anglais commencent à faire des prisonniers. Face à ce massacre et à cette confusion, beaucoup s'enfuient.

A ce moment, le duc de Brabant, frère du duc de Bourgogne, arrive sur le champ de bataille avec onze de ses chevaliers mais n'attend pas que son armure arrive avec le convoi et endosse celle de son chambellan avant de plonger dans la bataille. Au même instant, alors que la bataille semble achevée, les anglais entendent à l'arrière de leurs lignes des cris provenant de 600 paysans commandés par Ysembart d'Azincourt. Ils attaquent le bagage du roi et le pillent. Croyant être pris à revers, Henri V, voyant le nombre incroyable de captifs et craignant que ces derniers ne reprennent le combat, donne l'ordre terrible d'égorger les prisonniers. Pensant aux richesses qu'ils allaient pouvoir obtenir grâce aux rançons, peu d'archers acceptent d'obéir. Henri V menace de pendre tout homme qui lui désobéirait. Alors, chaque homme tue de sang froid son prisonnier. La plupart sont égorgés, les autres tués à coups de masse d'armes et de hache ou encore brûlés vifs dans des granges incendiées par les Anglais.
Ayant maintenant le champ libre, Henri V est de nouveau prêt à affronter les Français. Voyant cela, les combattants de la troisième ligne, restés à l'arrière faute de chef, battent en retraite. Il est maintenant 17 heures. La bataille d'Azincourt est terminée.

Plan de la bataille


Conséquences et historiographie :

Dans la boue d'Azincourt a péri la fine fleur de la chevalerie française : 6500 combattants français gisent sur le terrain dont le connétable Charles d'Albret, le duc d'Alençon, le duc de Bar, le duc de Brabant qui n'a pas été reconnu ainsi qu'environ 2000 chevaux. Celui que l'on considère comme le premier gendarme mort au combat, le Gallois de Fougières, prévôt des maréchaux, est également compté dans les rangs des défunts. On estime à moins de 1000 les pertes anglaises dont le duc d'York et le comte de Suffolk dont les corps sont bouillis et les os ramenés en Angleterre.
A peine la bataille terminée, les combattants anglais se livrent au pillage. Ceux qui sont retrouvés vivants sont faits prisonniers. Les combattants dont les blessures ne sont pas graves sont soignés, les autres sont achevés. Le nombre exact de prisonniers est compris entre 1600 et 2200 captifs dont Boucicaut, le duc d'Orléans et le duc de Bourbon.
Triste spectacle que celui du champ de bataille d'Azincourt au soir du 25 octobre 1415. Le butin pris par les Anglais ce jour là est tel que le roi d'Angleterre interdit à chaque archer de se surcharger de butin. Une fois les cadavres pillés, les Anglais les mutilent afin que personne ne puisse les reconnaître.
Les dépouilles des Français restées sur le champ de bataille sont pillées une seconde fois par les paysans locaux si bien que les morts restent nus. Les grands princes sont inhumés dans les églises avoisinantes. Le Gallois de Fougières est pour sa part inhumé dans l'église-abbatiale d'Auchy-les-Moines, non loin du lieu de la bataille. Les corps des gentilshommes pouvant encore être identifiés sont rapatriés dans leurs familles. Enfin, les corps non-identifiés sont enterrés trois jours plus tard dans cinq fosses communes ayant accueilli 1200 corps chacune. Enfin, sont construites à l'emplacement des sépultures des croix de bois, plus tard remplacées par une chapelle détruite à la Révolution.

Le calvaire d'Azincourt près duquel se situent les fosses communes où gisent les 6000 
combattants français tués à Azincourt

A Azincourt est fauchée la fine fleur de la chevalerie française. L'armée française, où a régné une fois de plus l'insubordination, n'a pas pris au sérieux l'ennemi anglais. A cette insubordination, il faut ajouter un plan de bataille inadapté, la mauvaise configuration du terrain et surtout l'absence de chef. Tous ces facteurs ont fait de la bataille d'Azincourt la bataille la plus sanglante de la guerre de Cent Ans. Contre toute attente, Henri V triomphe de l'ost royal. Il regagne ensuite Calais persuadé que Dieu lui a donné la victoire pour punir les Français de leurs pêchés. En fauchant l'élite du royaume de France, Henri V l'affaiblit comme jamais il ne l'a été depuis le début de la Guerre de Cent Ans. Le désastre d'Azincourt a pour conséquence la signature du traité de Troyes (1420) qui, à la mort de Charles VI, livre le royaume à Henri V. Toutefois, Henri V meurt prématurément avant Charles VI, entraînant l'annulation du traité, un nouveau prétexte pour relancer la Guerre de Cent Ans qui décidément, ne trouve pas de fin.
 
Monument commémoratif de la bataille d'Azincourt

Article protégé par les droits de la propriété intellectuelle.
Christophe Gilliot, Azincourt.

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La bataille d'Azincourt : chronique d'un désastre

  La bataille d'Azincourt

Dans les années qui précèdent la bataille d'Azincourt, la situation du royaume de France est critique. Armagnacs et Bourgignons entament une guerre civile. Dans ce climat de dissensions entre princes, Henri V monte sur le trône d'Angleterre en 1413. La situation en France lui permet de regrouper autour de sa personne une aristocratie encore divisée et de s'assurer du soutien de ses sujets qui souhaitent une guerre en France. Dans la nuit du 13 au 14 août, l'armée anglaise débarque en France à Cap-de-Caux, à l'embouchure de la Seine, et s'empare de Harfleur le 14 septembre après un siège difficile. Obligé d'y laisser une garnison fixe de 1198 hommes, le roi Henri V est contraint de rentrer sur Calais avec une armée fatiguée et frappée d'une épidémie de dysenterie.

Le siège d'Harfleur

Le 7 octobre, l'armée quitte Harfleur et longe la côte. Les rapports des éclaireurs semblent indiquer qu'une forte armée française progresserait également dans la région. Cette traversée du royaume de France s'avère périlleuse e raison des conditions météorologiques mais également en raison des diverses opérations françaises destinées à entraver la progression des Anglais.
Tous les ponts sur la Somme sont d'ailleurs détruits sur l'ordre du connétable de France Charles d'Albret, alors à la tête de l'armée française. La stratégie française est de provoquer l'affrontement direct au niveau de la Somme. Finalement, Henri V réussit à franchir le fleuve à Voyennes le 19 octobre 1415, gué non-gardé par les Français. Sur leur trajet, les archers anglais reçoivent l'ordre de se munir de pieux en bois de six pieds de long afin de les disposer devant eux car l'affrontement semble désormais inéluctable. Trois hérauts d'armes français viennent annoncer au roi d'Angleterre que la bataille serait livrée avant Calais sans toutefois préciser l'endroit exact ni le moment. Finalement, le 24 octobre, les deux armées se rencontrent enfin mais Henri V fait en sorte de ne pas livrer le combat avant le lendemain. Dans les deux camps, l'attitude diffère : silence nocturne chez les Anglais, fatigués de la marche et des escarmouches, mais grand faste chez les Français, assurés de la victoire.

Le trajet de l'armée anglaise


La bataille d'Azincourt :

Le 25 octobre, à l'aube, les armées se lèvent et se placent en ordre de bataille. Henri V, après avoir écouté trois messes dans la petite chapelle de Maisoncelles, se met à la tête du corps de bataille principal, constitué de combattants disposés sur quatre rangs. L'aile droite de ce corps est commandée par le duc d'York et l'aile gauche par le sire de Camoys. Mais ce corps de bataille est aussi entrecoupé de contingents d'archers, capables de décocher leurs flèches dans toutes les directions. Néanmoins, la grande majorité des archers est placée sur les flancs de l'armée anglaise, leurs tirs croisés ne devant laisser aucune chance à l'attaque de l'avant-garde française. De plus, un groupe de 200 archers est positionné dans le bois de Tramecourt afin de prévenir d'une éventuelle manœuvre d'encerclement des Français. Enfin, les flancs de l'armée anglaise, composés d'archers, ont pris soin de planter leurs pieux dans le sol afin de rompre la charge de cavalerie française.
Cette force représente plus de 9000 combattants dont environ 7632 archers et 1643 hommes d'armes. Ayant disposé son armée, Henri V attend l'attaque en surveillant les mouvements des Français. De son côté, à un kilomètre de là entre Tramecourt et Azincourt, l'armée française, désireuse de combattre cet ennemi qui lui a échappé à plusieurs reprises, a pris position. La concentration des grands seigneurs, princes et nobles est telle que de nombreuses bannières sont repliées car elles obstruent la vue du corps de bataille principal.
L'armée française est organisée en trois « batailles ». Naturellement, la fine fleur de la chevalerie française veut être présente dans l'avant-garde commandée par le connétable Charles d'Albret et par le maréchal Jehan le Meingre dit « Boucicaut » et composé de 3000 combattants comportant l'élite de la noblesse française. Toutefois, il est précisé que la présence simultanée du duc d'Orléans et le duc de Bourgogne n'est pas souhaitée en raison des rivalités entre ces deux maisons depuis l'assassinat de Louis d'Orléans en 1407. Vexé, le duc de Bourgogne Jean sans Peut n'envoie pas de contingent et interdit à ses vassaux de rejoindre l'ost royal, interdiction qu'ils ne respecteront pas. A 150 mètres en arrière se trouve la bataille principale, forte de 4000 hommes. Les deux premières batailles sont constituées d'hommes d'armes en armures ayant mis pied à terre.
L'arrière-garde, quant à elle, s'élève à 4100 combattants comprenant des membres de la petite noblesse ainsi que des roturiers. Cette arrière-garde s'est vu refuser le droit de combattre avec les gentilshommes qui veulent se réserver la gloire de la victoire.
Enfin, ces trois batailles sont flanquées sur les côtés de contingents de cavalerie lourde d'environ 2400 cavaliers. Cette cavalerie a pour but de briser les rangs des archers et ainsi de faciliter l'attaque des trois batailles constituées d'hommes d'armes en armure à pied.

  Plan du site de la bataille

Avant la bataille, les deux partis entament une négociation. Les revendications des Français sont simples : ils veulent simplement que le roi d'Angleterre renonce à la couronne du royaume de France. Mais aucun accord n'est trouvé. Les deux armées s'apprêtent donc à combattre dans la plaine d'Azincourt qu'une nuit de piétinements et de fortes pluies a transformée en véritable champ de boue. Le face-à-face des deux armées dure quatre longues heures. Le roi d'Angleterre finit par prendre l'initiative. Ce dernier, avec une armée fatiguée et malade, ne peut se permettre de reporter le combat au lendemain. Alors toute l'armée anglaise met genou à terre et embrasse le sol. Celle-ci parcourt 600 mètres pour se rapprocher des Français afin que ceux-ci soient à portée de flèche. Soudainement, les lignes anglaises stoppent leur progression et décochent une volée de traits. Mais, répondant à cette provocation, la cavalerie lourde française s'élance sans même attendre les ordres de ses commandants. Les cavaliers se heurtent tout d'abord à l'impraticabilité du terrain, fraîchement labouré et détrempé. La plupart d'entre eux n'atteignent même pas les lignes anglaises car ils sont criblés de flèches. Leurs montures s'empalent dans les rangées de pieux pointus plantés par les Anglais. Affolés, les chevaux blessés font demi-tour et se jettent dans les lignes suivantes. Les archers anglais, à raison de 10 flèches par minute, décochent tant de traits que le ciel en est assombri. Relégués à la troisième ligne, les hommes de trait ne pevent répondre aux flèches anglaises, sous peine de blesser les combattants de l'avant-garde. L'artillerie française est également inopérante.
L'avant-garde française, dont les premiers rangs sont armés de lances raccourcies pour les rendre plus raides, fait tout d'abord reculer l'armée anglaise. Mais, se ressaisissant, les archers anglais stoppent la progression des Français. En effet, en visant le mézail du bassinet et le camail, ils les forcent à baisser la tête. De plus, l'armée anglaise s'est positionnée entre les bois d'Azincourt et de Tramecourt, autrement dit au fond d'un entonnoir dans lequel se sont précipités les Français. Au contact, ces derniers sont tellement serrés qu'ils ne peuvent se mouvoir. En une demi-heure, l'avant-garde française est taillée en pièces. Pris de panique, les survivants de la première ligne refluent à l'arrière mais ces derniers se heurtent aux combattants de la seconde ligne qui montent à l'assaut. Le choc des deux premières lignes françaises crée une pagaille indescriptible. Les corps des hommes et des chevaux gisants à terre empêchent toute progression, rompant net l'assaut. Voyant que la bataille est presque gagnée, les combattants anglais commencent à faire des prisonniers. Face à ce massacre et à cette confusion, beaucoup s'enfuient.

A ce moment, le duc de Brabant, frère du duc de Bourgogne, arrive sur le champ de bataille avec onze de ses chevaliers mais n'attend pas que son armure arrive avec le convoi et endosse celle de son chambellan avant de plonger dans la bataille. Au même instant, alors que la bataille semble achevée, les anglais entendent à l'arrière de leurs lignes des cris provenant de 600 paysans commandés par Ysembart d'Azincourt. Ils attaquent le bagage du roi et le pillent. Croyant être pris à revers, Henri V, voyant le nombre incroyable de captifs et craignant que ces derniers ne reprennent le combat, donne l'ordre terrible d'égorger les prisonniers. Pensant aux richesses qu'ils allaient pouvoir obtenir grâce aux rançons, peu d'archers acceptent d'obéir. Henri V menace de pendre tout homme qui lui désobéirait. Alors, chaque homme tue de sang froid son prisonnier. La plupart sont égorgés, les autres tués à coups de masse d'armes et de hache ou encore brûlés vifs dans des granges incendiées par les Anglais.
Ayant maintenant le champ libre, Henri V est de nouveau prêt à affronter les Français. Voyant cela, les combattants de la troisième ligne, restés à l'arrière faute de chef, battent en retraite. Il est maintenant 17 heures. La bataille d'Azincourt est terminée.

Plan de la bataille


Conséquences et historiographie :

Dans la boue d'Azincourt a péri la fine fleur de la chevalerie française : 6500 combattants français gisent sur le terrain dont le connétable Charles d'Albret, le duc d'Alençon, le duc de Bar, le duc de Brabant qui n'a pas été reconnu ainsi qu'environ 2000 chevaux. Celui que l'on considère comme le premier gendarme mort au combat, le Gallois de Fougières, prévôt des maréchaux, est également compté dans les rangs des défunts. On estime à moins de 1000 les pertes anglaises dont le duc d'York et le comte de Suffolk dont les corps sont bouillis et les os ramenés en Angleterre.
A peine la bataille terminée, les combattants anglais se livrent au pillage. Ceux qui sont retrouvés vivants sont faits prisonniers. Les combattants dont les blessures ne sont pas graves sont soignés, les autres sont achevés. Le nombre exact de prisonniers est compris entre 1600 et 2200 captifs dont Boucicaut, le duc d'Orléans et le duc de Bourbon.
Triste spectacle que celui du champ de bataille d'Azincourt au soir du 25 octobre 1415. Le butin pris par les Anglais ce jour là est tel que le roi d'Angleterre interdit à chaque archer de se surcharger de butin. Une fois les cadavres pillés, les Anglais les mutilent afin que personne ne puisse les reconnaître.
Les dépouilles des Français restées sur le champ de bataille sont pillées une seconde fois par les paysans locaux si bien que les morts restent nus. Les grands princes sont inhumés dans les églises avoisinantes. Le Gallois de Fougières est pour sa part inhumé dans l'église-abbatiale d'Auchy-les-Moines, non loin du lieu de la bataille. Les corps des gentilshommes pouvant encore être identifiés sont rapatriés dans leurs familles. Enfin, les corps non-identifiés sont enterrés trois jours plus tard dans cinq fosses communes ayant accueilli 1200 corps chacune. Enfin, sont construites à l'emplacement des sépultures des croix de bois, plus tard remplacées par une chapelle détruite à la Révolution.

Le calvaire d'Azincourt près duquel se situent les fosses communes où gisent les 6000 
combattants français tués à Azincourt

A Azincourt est fauchée la fine fleur de la chevalerie française. L'armée française, où a régné une fois de plus l'insubordination, n'a pas pris au sérieux l'ennemi anglais. A cette insubordination, il faut ajouter un plan de bataille inadapté, la mauvaise configuration du terrain et surtout l'absence de chef. Tous ces facteurs ont fait de la bataille d'Azincourt la bataille la plus sanglante de la guerre de Cent Ans. Contre toute attente, Henri V triomphe de l'ost royal. Il regagne ensuite Calais persuadé que Dieu lui a donné la victoire pour punir les Français de leurs pêchés. En fauchant l'élite du royaume de France, Henri V l'affaiblit comme jamais il ne l'a été depuis le début de la Guerre de Cent Ans. Le désastre d'Azincourt a pour conséquence la signature du traité de Troyes (1420) qui, à la mort de Charles VI, livre le royaume à Henri V. Toutefois, Henri V meurt prématurément avant Charles VI, entraînant l'annulation du traité, un nouveau prétexte pour relancer la Guerre de Cent Ans qui décidément, ne trouve pas de fin.
 
Monument commémoratif de la bataille d'Azincourt

Article protégé par les droits de la propriété intellectuelle.
Christophe Gilliot, Azincourt.

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